Les jeux d’argent peuvent rapidement devenir une addiction aux conséquences graves, tant sur la santé que sur la situation financière et sociale des joueurs. Émily C., infirmière au Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) de Remiremont, apporte son éclairage sur ce phénomène et les moyens d’y faire face.
Interview de Vincent Maheux, Vosges Matin | Vidéo de l’interview d’Emily C. ici
Qu’est-ce que l’addiction ?
« L’addiction est une conduite qui repose sur l’envie constante et irrépressible en dépit de la motivation et des efforts du sujet pour y échapper. » C’est ainsi qu’Émily C., infirmière au CSAPA de Remiremont, définit l’addiction. Si elle aborde le sujet avec sérieux, c’est parce qu’il l’exige tout autant. Pour certains, les jeux d’argent ne sont plus un simple divertissement mais une véritable addiction.
« Les joueurs rencontrent les mêmes problèmes que ceux qui ont une dépendance à l’alcool ou à la drogue : c’est un trouble qui affecte aussi bien la santé, psychologique et physique, que la situation financière ».
D’où vient l’addiction ?
L’addiction naît du plaisir de jouer, renforcé par la joie de gagner. Selon le triangle d’Oliver Stein, elle repose sur trois éléments : vous, le produit et le contexte social ou économique.
« Prenons un exemple : lors d’une soirée, vous êtes timide. Vous buvez un peu d’alcool et remarquez que vous vous sentez plus joyeux, plus à l’aise pour draguer ou discuter.
L’inconsciemment, votre esprit associe l’alcool à cette aisance sociale, et vous en venez à penser : il faut que je boive ». C’est dans ces situations que le mal s’installe : « C’est la perte de contrôle qui fait toute la différence entre plaisir et addiction ».
Aujourd’hui, il est très facile de jouer, que ce soit aux paris en ligne, au casino ou aux jeux de grattage. Ces pratiques ne posent pas de problème tant que la personne maîtrise sa situation : « Si je gagne 3 000 €, que je paie mes factures et que je consacre 100 € aux jeux, ce n’est pas comparable à quelqu’un qui perçoit 500 € par mois via le RSA et en dépense 100 € dans les jeux d’argent ».
Des signes qui doivent alerter
De nombreux signaux peuvent amener une personne addict à ouvrir les yeux : perte d’argent, de contrôle, nervosité, colère, troubles du sommeil et de l’alimentation, dépression, perte de plaisir dans d’autres activités, repli sur soi… Mais pour certains, rejouer est la seule solution : « Les joueurs compulsifs se disent : ‘j’ai peut-être fait une bêtise en rejouant mais je continue parce que je vais finir par gagner’. Ces situations impactent inévitablement leur vie. « Si un conjoint ou un proche s’aperçoit qu’une facture n’a pas été payée, que le compte des enfants a été vidé, qu’il y a des emprunts à des amis, ça peut vite devenir difficile ».
Un risque plus élevé pour les jeunes
Pour les jeunes, les risques sont accrus. « Si l’on prend l’exemple des paris sportifs, on constate qu’ils sont très accessibles, notamment via internet, et qu’il est facile de jouer. Il est essentiel de faire comprendre que les jeux d’argent ne sont pas une solution pour gagner sa vie, que la chance ne dure jamais ».
Et lorsque leurs amis jouent, la situation devient encore plus préoccupante : « L’ambiance autour du jeu influence fortement la manière de consommer. Si la personne a vraiment envie de jouer, elle va alors chercher tous les moyens possibles pour obtenir de l’argent ».
« Dans tous les jeux d’argent, le vrai gagnant n’est pas le joueur, mais celui qui les organise » Une vérité indéniable.
Pour Émily C., le principe fondamental dans l’éducation des enfants, tout comme dans le système scolaire, est d’apprendre à jouer avant d’apprendre à gagner: « Si je vais au Casino avec des amis, que chacun mise une somme définie et s’y tient, peu importe les gains ou les pertes, cela reste une expérience agréable ».
L’importance d’un accompagnement adapté
Mais alors, comment commence la guérison ? Se faire interdire de jeu est une étape essentielle. « Les aides sont précieuses, mais elles ne sont pas une solution miracle. Même avec un dispositif d’exclusion, surmonter l’addiction reste un défi. L’éducation au jeu responsable est encore insuffisante : il reste du travail ».
Infirmiers, médecins, psychologues, lignes d’écoute… Tous ces soutiens existent. Mais encore faut-il que la personne soit prête à entendre et à reconnaître qu’elle a besoin d’aide. « Faire ce premier pas est crucial. Souvent, il est plus facile d’en parler avec quelqu’un de neutre, sans jugement. Car bien souvent, les personnes concernées ressentent de la honte et de la peur ».
Échanger avec des professionnels de confiance peut jouer un rôle clé dans la prise de conscience et l’accompagnement vers un mieux-être. « L’addict n’est pas le seul à rencontrer ce problème, il peut s’appuyer sur des groupes de parole. Ce type d’initiative se développe et semble prometteur. J’ai l’impression que tant qu’une personne n’est pas confrontée à une impasse, elle aura tendance à fermer les yeux sur le problème. Lorsqu’il n’y a pas encore d’urgence, elle pense pouvoir gérer la situation. Dans certains cas, ce sont les contraintes de la vie qui amènent à une prise de conscience ».
L’important, finalement, est de ne pas rester seul face.
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Extrait du dossier Vosges Matin : « Société. “J’ai perdu entre 50 000 et 75 000 €” : les jeux d’argent, un fléau qui touche aussi les Vosges (vosgesmatin.fr) »
A retrouver sur #actusFMS Les jeux sont faits ? Casino : l’envers du décor – FMS | Fédération Médico Sociale (f-ms.fr)
A propos du CSAPA
Le Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention contre les Addictions (CSAPA) de la f’ms prend en charge :
- toute personne sous l’influence d’un produit psychoactif (licite ou non), comme l’alcool, le tabac, tout médicament détourné de son usage, drogue (cannabis, cocaïne…) ;
- ou toute personne dont le comportement excessif la rend addicte (jeux en ligne, jeux de grattage, casino, réseaux sociaux, jeux vidéo, achats compulsifs…).
Le CSAPA de la FMS est réparti sur 3 sites géographiques :
- Epinal
- Remiremont
- Saint-Dié
… il organise également des permanences à Charmes, Rambervillers, Xertigny, Bruyère, Bussang, Cornimont, Gérardmer, Le Thillot, Le Val d’Ajol, Raon l’Etape et Fraize.
Le CSAPA accueille de manière gratuite, anonyme et confidentielle, sur rendez-vous.
L’équipe est tenue au secret professionnel.
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